Dernièrement, une autre mode alimentaire gagne de plus en plus d’adeptes : manger le plus « alcalin » possible dans le but d’améliorer sa santé globale et de prévenir de nombreuses maladies causées par les ravages de la civilisation moderne. Pour vérifier si nos changements alimentaires fonctionnent, plusieurs suggèrent de vérifier l’acidité de l’urine par le biais de bandelettes de pH. Après tout, si notre urine devient plus alcaline, c’est que notre nouveau régime fonctionne, n’est-ce pas ? Voyons voir ce qu’il en est vraiment.
Les gens qui disent que les aliments laissent un résidu acide ou alcalin ont raison. Règle générale, les fruits et les légumes laissent un résidu alcalin, grâce à leur contenu en potassium, magnésium et calcium, alors que les produits animaux et les produits céréaliers laissent un résidu plutôt acide, dû à leur contenu en phosphate et en soufre. Tester le pH de son urine est une chose toute simple et c’est sans doute là une des attrapes principales des vertus de la diète alcaline. En effet, n’est-il pas gratifiant de voir des changements concrets en voyant le pH urinaire augmenter au fur et à mesure qu’on incorpore davantage d’aliments au résidu alcalin ? La « récompense » est quasi immédiate. Ce qu’il faut savoir, toutefois, c’est que le pH urinaire n’a pratiquement rien à voir avec le reflet d’une bonne santé globale. Ce n’est pas ce pH qui nous intéresse.
Les fanatiques de la diète alcaline prétendent pouvoir modifier leur pH sanguin par le biais de leur alimentation. Rien n’est plus faux. Le corps, par le biais de régulations internes strictes, garde confortablement le pH sanguin autour de 7.4 et le fait de manger une salade verte ou un steak n’y changera rien. Il est vrai qu’ingérer une dose élevée de bicarbonate de sodium peut modifier momentanément le pH sanguin, mais au prix d’un grand inconfort gastro-intestinal. L’acidose est un problème bien réel, mais plutôt causé par des maladies comme l’insuffisance rénale ou le diabète. Un autre argument amené est celui que la masse osseuse est sacrifiée, ses minéraux plus précisément, pour tamponner l’acidité d’une diète plutôt acide, telle la diète occidentale typique. Toutefois, les détracteurs de cette diète semblent oublier le rôle crucial des reins dans la régulation du pH sanguin. En effet, ceux-ci sont aptes à produire des ions bicarbonates capables de neutraliser les résidus alcalins et ce, dans un cycle presque infini. À vrai dire, lorsque le mélange des ions carbonates et du résidu acide est excrété par les reins et par les poumons (ceux-ci dégageront par la respiration le CO2 qui est acide …), ces derniers produisent de nouveaux ions bicarbonates, les retournent à la circulation sanguine et ces nouveaux ions pourront eux aussi jouer le même rôle. Dans tout ça, la masse osseuse n’aura joué aucun rôle.
Une étude semble montrer qu’une alimentation riche en protéines (les protéines laissent un résidu acide) est associée à un risque de fracture osseuse, mais elle est détrônée par un nombre bien plus important d’études qui démontrent au contraire que les gens qui consomment une diète riche en protéines auront au final une meilleure santé osseuse. Ceci s’explique par le fait que le calcium se dépose sur une trame protéinée constituant la base de l’os lui-même. Sans une bonne quantité et qualité de protéines alimentaires pour entretenir cette trame, le calcium a beau être présent, il ne pourra pas s’y fixer ! (comme les morceaux de métal qui solidifient le béton).
De plus, pour avoir un corps ‘non-acide’ et des os solides il faut bien absorber nos minéraux alcalins : calcium, magnésium, etc. Ceci nous amène à discuter d’un autre point important, le pH de l’estomac. Combien de gens confondent l’acidité de l’estomac avec l’acidité du corps. C’est plutôt inversement proportionnel car la digestion a besoin d’une acidité gastrique élevée (HCL dans l’estomac) pour absorber les minéraux alcalins ! Voir cet article pour mieux comprendre le pH de l’estomac.
Quant aux cellules cancéreuses, elles ont effectivement tendance à proliférer davantage dans un milieu acide, mais cette acidité n’était pas présente au départ. Une fois que la tumeur se développe, celle-ci créé son propre environnement acide en régularisant la glycolyse et en réduisant la circulation locale : le pH sanguin de l’individu ne détermine alors pas le pH du cancer. C’est le cancer qui cause l’environnement acidifiant et non pas l’inverse.
Les amateurs de la diète alcaline accusent aussi que les diètes plus acides contribuent à une perte de masse musculaire, car les reins doivent supposément utiliser des acides aminés pour neutraliser l’excès d’acide. Ils mesurent l’azote présent dans l’urine pour expliquer leur argument. Il faudrait plutôt mesurer le bilan azoté (l’ingestion – l’excrétion) pour s’assurer qu’on a bien là des pertes réelles. Les études qui ont tenté de critiquer les autres diètes ont oublié cet aspect essentiel. En fait, d’autres études montrent qu’une diète riche en protéine améliore plutôt le bilan azoté. Les protéines, bien qu’acidifiantes, augmentent toutefois la capacité de l’organisme à sécréter le trop-plein d’acide. Ceci dit, un autre exemple de controverse est le pH urinaire. Un pH de 7 ne veut pas dire que votre corps est réellement neutre ou non-acide. Ça pourrait indiquer une incapacité de vos reins à excréter l’acide via l’urine. Donc, parfois, un pH de 6 peut être une meilleure nouvelle … c’est du cas par cas, il faut regarder le grand portrait, la santé globale, signes cliniques (ex. eczéma, santé des os, dents) et symptômes.
Pour revenir à notre question initiale, adopter un régime végétarien par principe de ne pas consommer de protéines animales “acidifiantes” ne réglera pas vos problèmes d’acidité systémique ni gastrique. Au contraire, les protéines animales, jumelées à des produits végétaux de qualité sont une solution pour un corps en santé, sans souffrir de carences que le régime végétarien strict risque de vous apporter. Ne pas manquer les prochains articles pour mieux comprendre les faits sur le végétarisme. L’important, c’est de vous rappeler qu’au niveau biochimique, une protéine reste une protéine et laisse le même résidu acide, qu’elle soit végé ou non. La qualité et quantité est un autre volet.
En conclusion, il faut être vigilant quant aux nouvelles approches alimentaires et aux conclusions souvent bidon d’études mal faites ou qui négligent des aspects importants. Un bémol toutefois : augmenter l’alcalinité de son alimentation est en soi une excellente chose. En effet, cela implique de manger davantage de produits frais, légumes et fruits confondus, de réduire sa consommation de produits transformés, de produits céréaliers (qui sont pro-inflammatoires et qui viennent souvent avec le gluten, relié à de nombreux désagréments). Les produits laitiers seraient également moins présents, ce qui aiderait les gens aux prises avec de l’intolérance pouvant causer des déséquilibres de toutes sortes qui ressemblent drôlement aux problèmes souvent attribués à l’acidité.
Je vous suggère donc de combiner à la fois des aliments riches en protéines animales de qualité éco, sauvage ou bio, qui sont des protéines plus complètes, à une abondance de produits frais (bio et local autant que possible). Finalement n’oubliez pas que la gestion de l’acidité totale du corps est plus importante (poumons, bicarbonate, reins), très complexe et n’est pas toujours en lien avec le pH de l’urine.
Pour d’autres mythes démystifiés voir : https://lanaturopathemoderne.com/les-mythes-du-vegetarisme-vol-1/
Santé, cheers !
Marie-Soleil Noreau ND.A, LaNaturopatheModerne.com
Article co-écrit avec Mathieu Lefebvre, Kinésiologue
Références :
- http://chriskresser.com/the-ph-myth-part-1
- http://chriskresser.com/the-acid-alkaline-myth-part-2
- http://www.westonaprice.org/blogs/cmasterjohn/does-meat-really-leach-calcium-from-the-bones/
- https://musclegeek.wordpress.com/2012/04/24/acidosis-and-bone-health-science-or-science-fiction/
- http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1359/jbmr.2000.15.12.2504/full
- http://www.westonaprice.org/health-topics/cleansing-myths-and-dangers/ (VOIR SECTION ACID -ALKALIN)